A la mobilisation, pour les femmes des villes, leur enthousiasme est l’égal de celui des mobilisés.
Les femmes à la campagne
Dans les villages et les campagnes, il en va tout autrement. Les femmes savent la somme de travail que va représenter le départ des hommes, surtout en ce plein été 1914. Elles savent aussi que la guerre n’est pas aussi fraîche et jolie que les autorités veulent le dire.
Ce sont les paysans qui tombent les plus nombreux dans les batailles. 56 % des Français vivent alors dans des villages de moins de 2 000 habitants.
En plus d’assurer le quotidien de la ferme, elles se consacrent à la culture des champs. Bien qu’aidées par les personnes âgées et les enfants, elles dirigent les exploitations dans bien des cas aux limites du surmenage et de l’épuisement. Les travaux agricoles, auxquels elles n’ont pas été préparées, exigent une grande force physique. Les chevaux sont réquisitionnés pour le front et on voit des femmes se mettre à plusieurs pour tirer elles-mêmes une charrue.
À cela s’ajoute le poids de l’éloignement du mari ou du (des) fils. Les paysans sont envoyés prioritairement au front, les ouvriers et les employés étant affectés plutôt à des missions de soutien de l’armée. Les paysannes sont donc confrontées plus que les autres femmes au veuvage. Dans une France encore rurale, elles sont, en 1914, 3,2 millions agricultrices, ouvrières agricoles ou femmes d’exploitants.
Elles ont de lourdes responsabilités auxquelles elles étaient peu préparées (décider des productions, diriger la main d'œuvre, vendre), sauf sur les petites exploitations des régions pauvres qui connaissaient des migrations masculines plus importantes. Il y a même de nombreux cas où elles ont amélioré la valeur de l'exploitation et sont arrivées à payer des dettes antérieures à la mobilisation.
Les ouvrières, de la confection à l’armement
La mobilisation en 1914 entraîne une baisse de 20 % des effectifs de la main-d’œuvre masculine dans les usines. Les femmes travaillent déjà dans les ateliers de confection, notamment pour coudre des vêtements pour l’armée. On les trouve aussi dans les conserveries, les chocolateries et à hauteur de 7 % dans la métallurgie.
Après les premières semaines de guerre, au vu entre autres des faiblesses de l’artillerie française, il est décidé de développer la production d’armements, en particulier celle d’obus. Attirées par de meilleurs salaires (45 à 47 centimes de l’heure contre 40 ailleurs), les femmes sollicitent de plus en plus des postes dans les usines de la défense nationale. Mais il faut plusieurs circulaires du ministre de la guerre pour qu’elles soient davantage recrutées dans ce secteur.
À partir de juillet 1916, l’emploi des femmes y est déclaré prioritaire. Les ouvrières dîtes les munitionnettes, en usine d’armement travaillent par équipes de jour et de nuit 10, 11 voire 12 heures par jour avec 2 jours de repos par mois. Elles travaillent dans de mauvaises conditions, les lois sur l’insalubrité des locaux ayant été suspendues en 1915. Elles sont au contact de fumées toxiques, de gaz, de produits corrosifs et de machines coupantes utilisées sans gants.
Elles sont très nombreuses à participer, en 1917, aux grèves et aux manifestations lancées par leurs consœurs de la confection pour obtenir une augmentation des salaires et le retour des maris partis au front. Le temps de travail passe à 10 heures par jour, repos le Dimanche, interdiction du travail de nuit pour les moins de 18 ans.
En 1917, la France produit 300000 obus par jour.
Dès la fin de la guerre, les usines d’armement ferment et les femmes sont renvoyées dans leur foyer avec une maigre indemnité.
Les espionnes, soldats sans armes
« En France, il a été parfois reproché par les soldats aux femmes de n’avoir pas su se mobiliser pour faire la guerre en 1914. Mais quand elles en ont accepté l’idée, aucune offre ne leur a été faite d’entrer dans l’armée », affirme l’historienne Chantal Antier. Elles sont ainsi plusieurs à demander, dès le début du conflit, la création d’un « service auxiliaire » féminin de la défense nationale. Un refus leur est opposé.
Des femmes vont cependant trouver une occasion de participer à une autre forme de combat en s’engageant comme espionnes. Bien que mené sans arme à feu, l’espionnage est très dangereux et peut entraîner le sacrifice de sa vie, comme l’a montré le destin tragique de la catholique lilloise Louise de Bettignies, morte dans un bagne allemand en septembre 1918, après avoir animé un vaste réseau depuis les territoires occupés du nord de la France et de la Belgique.
De part et d’autre du front, il est donc fait appel à des femmes, souvent polyglottes, pour devenir espionnes à partir de 1915. Les commandements veulent remplacer les hommes espions, plus facilement repérables que les femmes. Elles ne font pas l’unanimité dans l’opinion française, compte tenu des méthodes de séduction auxquelles quelques espionnes, comme Mata-Hari, ont recours.
Hormis ces quelques cas, les femmes espionnes ont, après avoir été formées par les services secrets, fait preuve d’un redoutable professionnalisme. Pour la France, on peut notamment citer Mathilde Lebrun, veuve, mère de trois enfants et agent double au service de la France, ainsi que Louise Thuliez ou Henriette Moriamé.
Les infirmières, consolatrices des blessés
Les personnels de santé ont rarement vu une telle accumulation d’horribles blessures et de corps fracassés que durant la Grande Guerre (1 697 800 morts militaires et civils et 4 266 000 blessés pour la seule France). Du côté français, au début du conflit, les structures militaires de santé sont légères. Comme on pense que la guerre sera brève, aucun hôpital n’a été prévu près de la frontière à l’est et au nord. Les régiments ne peuvent compter que sur les médecins et les unités d’infirmiers qui leur sont attachés.
Les autorités corrigent rapidement la situation. Les hôpitaux de campagne se multiplient le long de la ligne de front à partir du début de 1915. À l’intérieur du pays, beaucoup d’hôpitaux se créent. Un grand nombre d’infirmières sont engagées après une formation accélérée. Les candidates abondent. Parmi les premières à se porter volontaire : 1 000 religieuses, qui avaient été chassées des services hospitaliers après 1905 et qui sont rappelées. La Croix Rouge française forme 7 000 bénévoles.
Ces effectifs sont renforcés par des infirmières venues d’Angleterre, des États-Unis et du Canada. Outre les soins donnés dans des conditions pénibles, les infirmières apportent, comme des Poilus l’ont raconté dans leurs témoignages, la douceur qui console des hommes torturés par d’extrêmes douleurs. En reconnaissance, plusieurs d’entre elles sont décorées de la Croix de guerre et de la Légion d’honneur.
Les veuves, une difficile reconnaissance
« Honneur aux femmes qui cherchent sur les champs de bataille la tombe de leurs maris… » Lors d’un discours prononcé après le 11 novembre 1918 en hommage aux héros de la guerre, le président de la République Raymond Poincaré n’a pas oublié les veuves. Elles sont 600 000. L’hommage présidentiel vise à consoler des femmes qui, en plus du malheur qui les accable, doivent multiplier les démarches pour faire reconnaître leur veuvage. L’annonce officielle de la mort du mari soldat n’intervient que plusieurs mois après. Il est vrai qu’il y a aussi beaucoup de tués non identifiables.
Les veuves se mettent en quête du corps de leur mari en se rendant dans les cimetières du front pour avoir accès aux fosses communes mais cela n’est plus possible à partir de 1919 ou en fouillant les champs de bataille. Pour avoir droit à la pension de veuve de guerre, la loi (votée en 1916) précise que le mari doit être tombé au front. Impossible, donc, de se prévaloir d’une disparition. Les cas de concubins ou fiancés ne sont pas non plus pris en compte.
La pension des veuves est de 800 francs par an, avec 500 francs supplémentaires par enfant mineur. Après la guerre, alors qu’il est demandé aux femmes de laisser les emplois aux hommes revenus du front, cette somme est jugée insuffisante par les concernées. Les associations de veuves protestent contre « une absence de véritable statut » dans la loi, qui leur retire la pension en cas de remariage. En 2007, l’historienne Stéphanie Petit a établi que 42 % des veuves de 14-18 se sont ensuite remariées.
Les « marraines de guerre », solidaires des poilus
Les femmes manifestent, dès le début de la guerre, un grand élan de solidarité avec les soldats, dicté à la fois par la compassion et le patriotisme. Il prend plusieurs formes. Outre les infirmières qui s’engagent par milliers au front ou à l’arrière, se crée un vaste réseau féminin de soutien des poilus : celui des « marraines de guerre », initiative spécifique des Françaises, encouragée par les autorités dans un premier temps. La marraine entretient une correspondance avec le « filleul », qui est en principe choisi avec l’accord de l’officier commandant de l’unité.
Elle lui envoie des colis de denrées et, à partir de 1916, peut même le recevoir en permission dans sa famille. La presse passe des petites annonces de femmes et de soldats. Les autorités finissent par craindre que l’espionnage ne profite du phénomène. Ce mouvement, promu par Madeleine Clemenceau-Jacquemaire, fille de Georges Clemenceau, n’en concourt pas moins à la consolidation du moral des troupes en venant notamment en aide à de jeunes soldats sans attaches et à ceux des régions envahies. Les institutrices se révèlent des marraines très actives : elles connaissent l’art d’écrire des lettres et font adopter des filleuls par leurs élèves.
Cet engouement patriotique est aussi partagé par les stars féminines de la scène, qui participe à la distraction des soldats au front dans le cadre du Théâtre aux armées, fondé par le peintre Georges Scott. Parmi elles : Sarah Bernhardt, Béatrix Dussane ou Musidora.
Des enfants pour la guerre
Les enfants justement, le gouvernement y fait souvent allusion. Il faut faire des enfants, et de multiples aides vont apparaître pour améliorer la natalité.
Faire des enfants alors que l’homme est absent ? Alors que mettre un enfant au monde est un risque toujours constant. 5 femmes sur 1000 meurent en couches et 45 enfants sur 1000 meurent à la naissance, 15 % meurent avant 1 an. La natalité reste faible dans ces années de guerre. Elle remontera en 1919, 1920 et 1921 avec le retour des soldats.
La fin de la guerre: l'homme reprend sa place
Et puis un jour, la guerre est finie. Qui va apparaître au bout du chemin et dans quel état? Les enfants vont-ils reconnaître un père quitté depuis 4 ans. Le retour du soldat ne s’opère pas toujours dans d’excellentes conditions. Il veut reprendre sa place, toute sa place aux champs et à l’usine.
Les femmes en ses 4 années de guerre ont goûté à l’indépendance. La femme de 1919 ne ressemble plus à celle de 1914.
Mais très souvent, elles vont rentrer dans l’ombre, élever des enfants qui à leur tour partiront à la guerre dans 20 ans. L’infirmière de 1914-1918 est un précurseur qui va entraîner dans son sillage un nombre de plus en plus élevé de femmes qui vont s’investir dans le Service de Santé où elles vont voir leur nombre croître sans cesse.